Prise en charge du défi de la TEV et des hémorragies

Environ un tiers des patients présentant une thrombose veineuse profonde (TVP) non traitée subiront une embolie pulmonaire (EP) potentiellement mortelle, un tiers souffriront d’un syndrome postphlébitique accompagné de symptômes chroniques touchant les jambes (œdème, douleur, modification de la pigmentation de la peau et ulcérations cutanées), et un tiers auront une récidive en moins de 10 ans. L’EP a été reconnue comme la cause de décès évitable la plus fréquente chez les patients hospitalisés. Un diagnostic et un traitement rapides de la TVP sont essentiels pour prévenir ces complications.

Les examens doivent être réalisés le plus tôt possible. Si les délais risquent d’être très longs, il faut prescrire un anticoagulant à action rapide (p. ex., héparine de bas poids moléculaire ou anticoagulant oral direct) aux patients chez qui on décèle d’emblée la probabilité d’une TVP/EP (probabilité prétest modérée ou élevée de TVP/EP) jusqu’à la réalisation des examens, à moins qu’ils ne soient exposés à un risque élevé d’hémorragie ou qu’ils ne présentent une autre contre-indication à l’anticoagulothérapie.

Les anticoagulants oraux sont utilisés pour la prévention et le traitement de la thromboembolie veineuse (TEV), mais les hémorragies sont une complication majeure de l’anticoagulothérapie orale. Les cliniciens s’interrogent sur la prise en charge optimale de la TEV et des saignements significatifs sur le plan clinique qui sont liés à l’utilisation des anticoagulants oraux. La présente note de l’Association canadienne des médecins d’urgence (ACMU) peut servir aux cliniciens de guide sur la prise en charge optimale de la TEV, des complications hémorragiques et des interventions urgentes chez les patients sous anticoagulothérapie.

Auteurs

Indraneel Ghosh, M.D., CMFC (EM)
Eddy Lang, MDCM, CMFC (EM), CSPQ
Mark Mensour, M.D., CMFC (EM), AMF, FCMF
Anas Nseir, M.D., CMFC, FCMF, B. Pharm.

Thrombose veineuse profonde soupçonnée

  • Une femme de 35 ans se présente à l’urgence se plaignant d’une douleur dans la portion inférieure d’une jambe qui dure depuis 2 jours et d’une enflure de la jambe gauche apparue récemment à la suite d’un long voyage en avion.
  • Pas de toux, d’essoufflement, ni de douleur à la poitrine ou au dos.
  • Antécédents médicaux :
    • non-fumeuse;
    • médicaments : contraceptif, acétaminophène à raison de 650 mg 3 f.p.j.depuis 2 jours pour ses douleurs à la jambe.
Examen

  • TA : 128/76.
  • Pouls : 72 pulsations/min, régulier.
  • Fréquence respiratoire : 16/min.
  • Auscultation du cœur et de la poitrine : normale.
  • Examen de la jambe gauche :

Interventions

Discussion :

  • Selon les lignes directrices, l’anticoagulothérapie devrait être instaurée immédiatement* chez les patients pour qui la probabilité prétest de TVP/EP est significative5 *Cette recommandation ne s’applique qu’aux patients qui présentent un faible risque d’hémorragie.
    • 2.2.1. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont élevés, on conseille un traitement anticoagulant par voie parentérale de préférence à l’absence de traitement dans l’attente des résultats des épreuves diagnostiques (grade 2C).
    • 2.2.2. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont modérés, on conseille un traitement anticoagulant par voie parentérale de préférence à l’absence de traitement si l’on s’attend à ce que l’annonce des résultats des épreuves diagnostiques soit retardée de plus de 4 heures (grade 2C).
    • 2.2.3. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont faibles, on déconseille l’instauration d’un traitement anticoagulant par voie parentérale dans l’attente des résultats des épreuves diagnostiques, pour peu que ceux-ci soient attendus dans un délai de 24 heures (grade 2C).
    • 1 grade 2C : faibles recommandations, données probantes de piètre qualité.
    • Remarque : L’anticoagulothérapie parentérale est administrée avant le dabigatran et l’édoxaban, mais pas avant le rivaroxaban et l’apixaban.

Traitement :

Vous avez demandé une échographie, mais elle ne pourra se faire que le lendemain5.

  • Entreprendre le traitement initial avec la posologie du traitement antithrombotique de la TEV. (cliquez ici pour voir le tableau)
    • L’héparine non fractionnée (HNF) peut être prescrite aux patients atteints d’insuffisance rénale grave et aux patients dont l’état est potentiellement instable.
      • Commencer le traitement par un bolus initial de 80 U/kg ou jusqu’à un maximum de 5000 U par voie i.v.
      • Administrer ensuite une perfusion de 18 U/kg/h ou 1300 U/h.
      • Il existe des traitements par voie sous-cutanée par une HNF à dose fixe et sous surveillance, qui sont des options thérapeutiques acceptables.
      • Objectif : atteindre rapidement et maintenir un temps de céphaline activé (TCA) en accord avec les concentrations thérapeutiques d’héparine.
  • Considérations posologiques relatives aux AOD
    • Comme nous ne faisons pas d’ajustement posologique chez les patients atteints de TEV qui prennent des anticoagulants oraux directs (AOD), nous devons connaître les types de patients chez qui les concentrations des médicaments peuvent varier :
      • patients dont le poids se situe dans les limites extrêmes (< 50 kg ou > 120 kg);
      • patients âgés (> 80 ans);
      • insuffisants rénaux (clairance de la créatinine < 30 mL/min).

L’échographie est effectuée à l’urgence le lendemain. Vous avez instauré le traitement par un AOD hier soir, l’enflure de la jambe s’est aggravée, la patiente ressent encore plus de douleur et les résultats de l’échographie de la partie proximale de la jambe sont négatifs.

  • Arrêter l’AOD et demander un dosage des D-dimères pour écarter la possibilité d’une TVP.
  • Point clé :
    • En général, le clinicien demande une échographie de la jambe afin d’écarter la possibilité d’une TVP.
    • Selon les habitudes du laboratoire ou du radiologiste, une échographie des compartiments distal et proximal de la jambe, au-dessus du genou, ou de la jambe tout entière est effectuée.
    • On n’effectue pas d’échographie du compartiment distal de la jambe sous le genou seulement.
    • Une échographie de la partie proximale de la jambe seulement est recommandée dans les lignes directrices.

Les résultats du dosage des D-dimères se révèlent positifs.

  • Pas d’anticoagulothérapie, mais une échographie de suivi de la partie proximale de la jambe doit être effectuée dans 1 semaine.
  • La patiente doit être suivie par un professionnel de la santé de premier recours, par un médecin spécialisé en TEV ou par une clinique de suivi des urgences, selon les ressources disponibles.

Références

  1. Agnelli G, Buller HR, Cohen A, et al. Oral apixaban for the treatment of acute venous thromboembolism (AMPLIFY). N Engl J Med. 2013;369(9):799-808. doi:10.1056/NEJMoa1302507.
  2. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD, et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2010;363(26):2499-2510. doi:10.1056/NEJMoa1007903.
  3. EINSTEIN–PE Investigators, Büller HR, Prins MH, et al. Oral rivaroxaban for the treatment of symptomatic pulmonary embolism. N Engl J Med. 2012;366(14):1287-1297. doi:10.1056/NEJMoa1113572.
  4. Hokusai-VTE Investigators, Büller HR, Décousus H, et al. Edoxaban versus warfarin for the treatment of symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2013;369(15):1406-1415. doi:10.1056/NEJMoa1306638.
  5. Kearon C, Akl EA, Comerota AJ, et al. Antithrombotic Therapy for VTE Disease. Chest. 2012;141(2 Suppl):e419S-e494S. doi:10.1378/chest.11-2301.
  6. Kearon C, Akl EA, Ornelas J, et al. Antithrombotic Therapy for VTE Disease. CHEST. 2016;149(2):315-352. doi:10.1016/j.chest.2015.11.026.
  7. Meyer G, Vicaut E, Danays T, et al. Fibrinolysis for Patients with Intermediate-Risk Pulmonary Embolism (PEITHO). New England Journal of Medicine. 2014;370(15):1402-1411. doi:10.1056/NEJMoa1302097.
  8. Righini M, Galanaud J-P, Guenneguez H, et al. Anticoagulant therapy for symptomatic calf deep vein thrombosis (CACTUS): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. The Lancet Haematology. 2016;3(12):e556-e562. doi:10.1016/S2352-3026(16)30131-4.
  9. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism (RE-COVER). N Engl J Med. 2009;361(24):2342-2352. doi:10.1056/NEJMoa0906598.
  10. Thrombosis Canada – Thrombose Canada | Dedicated To Furthering Education & Research in Thrombotic Disease. http://thrombosiscanada.ca/.
  11. Van Es J, Eerenberg ES, Kamphuisen PW, Büller HR. How to prevent, treat, and overcome current clinical challenges of VTE. J Thromb Haemost. 2011;9:265-274. doi:10.1111/j.1538-7836.2011.04334.x.
  12. Pfizer Canada inc./BMS Canada. Monographie d’Eliquis (apixaban), 16 juin 2016.
  13. Bayer inc. Monographie de Xarelto (rivaroxaban), 1er septembre 2016.
  14. Boehringer Ingelheim Canada Ltée. Monographie de Pradaxa (dagbatran), 11 août 2016.
  15. Servier Canada inc. Monographie de Lixiana (édoxaban), 12 janvier 2017.

Embolie pulmonaire soupçonnée

  • Femme de 56 ans qui souffrait de dyspnée et d’hémoptysie depuis 24 heures à son arrivée à l’urgence
  • Aucune toux ni dorsalgie ou douleur à la poitrine
  • Antécédents médicaux :
    • Tabagisme : 1 paquet de cigarettes par jour depuis 30 ans
    • Dyslipidémie, hypertension, arthrose, femme ménopausée
    • Hystérectomie, il y a 2 semaines
    • Médicaments : atorvastatine, AAS (prévention primaire), amlodipine
Examen

Interventions

Discussion :

  • Selon les lignes directrices, l’anticoagulation doit être instaurée immédiatement* chez le patient présentant un score de probabilité prétest de TVP/EP5 *Cette recommandation ne s’applique qu’aux patients présentant un faible risque d’hémorragie.
    • 2.2.1. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont élevés, on conseille un traitement anticoagulant par voie parentérale de préférence à l’absence de traitement dans l’attente des résultats des épreuves diagnostiques (grade 2C).
    • 2.2.2. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont modérés, on conseille un traitement anticoagulant par voie parentérale de préférence à l’absence de traitement si l’on s’attend à ce que l’annonce des résultats des épreuves diagnostiques soit retardée de plus de 4 heures (grade 2C).
    • 2.2.3. Dans les cas où les soupçons cliniques de TEV aiguë sont faibles, on déconseille l’instauration d’un traitement anticoagulant par voie parentérale dans l’attente des résultats des épreuves diagnostiques, pour peu que ceux-ci soient attendus dans un délai de 24 heures (grade 2C).
    • 1 Grade 2C : faible recommandation, données probantes de piètre qualité
    • Remarque : L’anticoagulothérapie parentérale initiale :
      • est administrée avant le dabigatran et l’édoxaban
      • n’est pas administrée avant le rivaroxaban et l’apixaban

Traitement :

  • Le score simplifié de la patiente indique l’absence de critères du PESI, par conséquent, elle peut être traitée en consultation externe
  • Prescrire une anticoagulothérapie pendant 3 mois, suivi assuré en clinique de thrombose ou par l’omnipraticien, sauf en présence d’EP massive ou submassive (voir ci-dessous)
  • Faible risque de EP =
    • Amorcer l’anticoagulothérapie et faire revenir la patiente le lendemain pour évaluer les résultats de la tomodensitométrie angiographique
    • Posologie pour l’EP du traitement antithrombotique initial : (cliquez ici pour voir le tableau)
      *L’HNF peut être prescrite au patient atteint d’insuffisance rénale grave et susceptible de présenter un état instable
    • Réévaluer l’administration concomitante d’un agent antiplaquettaire :
      • Dans ce cas, l’AAS n’est pas indiqué en prévention primaire
      • L’arrêt du traitement par l’AAS réduira le risque d’hémorragie pour nos patients

  • EP submassive :
    • Résultats probants d’une échographie ou d’une tomodensitométrie attestant l’apparition d’une dysfonction ventriculaire droite stable sur le plan hémodynamique
    • Les critères couramment utilisés pour établir une dysfonction ventriculaire droite comprennent :
      • un rapport VD/VG > 0,9 (échographie ou tomodensitométrie) ou
      • une hypocontractilité du ventricule droit
    • L’usage de biomarqueurs évoquant une lésion cardiaque (concentration élevée de troponine cardiaque I) ou une tension artérielle élevée de façon aiguë au bras droit (concentration de BNP) peut favoriser la stratification de la gravité de l’embolie pulmonaire
    • Il faut envisager la possibilité d’un dysfonctionnement ventriculaire droit préexistant lors de l’évaluation de la taille des cavités et de la concentration de BNP
    • Une élévation nouvelle de la concentration de BNP revêt davantage d’importance dans ce contexte qu’une concentration systématiquement élevée
    • Taux de mortalité associé à l’EP submassive :
      • de 4 à 30 % selon la gravité du dysfonctionnement du ventricule droit
  • EP massive :
    • Toute EP causant une instabilité hémodynamique (TA systolique < 90 pendant plus de 15 min ou TA nécessitant l’administration d’un vasopresseur)
    • Taux de mortalité associé à l’EP massive :
      • 70 % en présence d’un arrêt cardiaque
      • 30 % en présence d’un << choc cardiogénique >>
      • 15 % en présence d’hypotension
  • Traitement de l’EP massive ou submassive :
    • Les anticoagulants oraux directs ne sont pas indiqués, du moins pas en salle d’urgence
    • Envisager l’héparine non fractionnée; celle-ci devient de mise en cas de thrombolyse
    • Thrombolyse :
      • Indiquée si l’état du patient est instable (tension artérielle systolique inférieure à 90 mm Hg)
      • EP submassive (absence d’hypotension, mais présence de souffrance du ventricule droit) : ne pas recourir à la thrombolyse si l’état du patient peut être stabilisé par l’anticoagulothérapie.
      • Le risque d’hémorragie est souvent plus important que les bienfaits de la thrombolyse, toutefois, les patients plus jeunes sont moins susceptibles de saigner et peuvent faire l’objet d’une considération particulière
      • En cas de décompensation hémodynamique, passer à la thrombolyse

Références

  1. Agnelli G, Buller HR, Cohen A, et al. Oral apixaban for the treatment of acute venous thromboembolism (AMPLIFY). N Engl J Med. 2013;369(9):799-808. doi:10.1056/NEJMoa1302507.
  2. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD, et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2010;363(26):2499-2510. doi:10.1056/NEJMoa1007903.
  3. EINSTEIN–PE Investigators, Büller HR, Prins MH, et al. Oral rivaroxaban for the treatment of symptomatic pulmonary embolism. N Engl J Med. 2012;366(14):1287-1297. doi:10.1056/NEJMoa1113572.
  4. Hokusai-VTE Investigators, Büller HR, Décousus H, et al. Edoxaban versus warfarin for the treatment of symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2013;369(15):1406-1415. doi:10.1056/NEJMoa1306638.
  5. Kearon C, Akl EA, Comerota AJ, et al. Antithrombotic Therapy for VTE Disease. Chest. 2012;141(2 Suppl):e419S-e494S. doi:10.1378/chest.11-2301.
  6. Kearon C, Akl EA, Ornelas J, et al. Antithrombotic Therapy for VTE Disease. CHEST. 2016;149(2):315-352. doi:10.1016/j.chest.2015.11.026.
  7. Meyer G, Vicaut E, Danays T, et al. Fibrinolysis for Patients with Intermediate-Risk Pulmonary Embolism (PEITHO). New England Journal of Medicine. 2014;370(15):1402-1411. doi:10.1056/NEJMoa1302097.
  8. Righini M, Galanaud J-P, Guenneguez H, et al. Anticoagulant therapy for symptomatic calf deep vein thrombosis (CACTUS): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. The Lancet Haematology. 2016;3(12):e556-e562. doi:10.1016/S2352-3026(16)30131-4.
  9. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism (RE-COVER). N Engl J Med. 2009;361(24):2342-2352. doi:10.1056/NEJMoa0906598.
  10. Thrombosis Canada – Thrombose Canada | Dedicated To Furthering Education & Research in Thrombotic Disease. http://thrombosiscanada.ca/.
  11. Van Es J, Eerenberg ES, Kamphuisen PW, Büller HR. How to prevent, treat, and overcome current clinical challenges of VTE. J Thromb Haemost. 2011;9:265-274. doi:10.1111/j.1538-7836.2011.04334.x.
  12. Pfizer Canada inc./BMS Canada, Monographie d’Eliquis (apixaban), 16 juin 2016.
  13. Bayer Inc., Monographie de Xarelto (rivaroxaban), 1er septembre 2016.
  14. Boehringer Ingelheim Canada Ltée, Monographie de Pradaxa (dagbatran), 11 août 2016.
  15. Servier Canada Inc., Monographie de Lixiana (édoxaban), 12 janvier 2017.

Traumatisme survenant pendant la prise d’un anticoagulant et en présence d’antécédents de TVP

  • Une femme de 35 ans arrive à l’urgence sur une planche dorsale et avec un collet cervical à la suite d’un accident de la route.
  • Pas de perte de connaissance.
  • Le rapport des services médicaux d’urgence fait état d’une hypotension et d’une tachycardie, mais d’un score GCS (Glasgow Coma Scale) de 15 sur les lieux de l’accident et pendant le trajet vers l’urgence.
  • Antécédents médicaux :
    • hypertension;
    • TVP il y a 2 mois, en cours de traitement;
    • médicaments actuels :
      • <<un des nouveaux médicaments pour éclaircir le sang, je ne me souviens pas du nom >>, dernière dose prise il y a 2 heures;
      • <<pilules pour la tension artérielle>>.
Examen

  • Examen physique :
    • FC : 140 bpm; TA : 88/45 mmHg; saturation O2 : 97 %; score GCS : 15; SCS : 5,5 %.
    • Examen primaire et secondaire.
    • Sensibilité abdominale diffuse, pas de signes de fracture de la base du crâne, pas de sensibilité des os longs, poumons dégagés sans sensibilité de la paroi thoracique ni râles crépitants, bassin stable; la planche pour la mobilisation en bloc est retirée.
    • Échographie au chevet de la patiente : liquide libre dans l’abdomen, positif.
    • Radiographies pulmonaire, pelvienne et vertébrale : pas d’atteinte aiguë.

Interventions

Discussion :

Prise en charge initiale

  • Réanimation par un soluté de cristalloïdes; la patiente est toujours en hypotension.
  • Le chirurgien demande que la patiente soit transportée à la salle d’opération pour procéder à une laparotomie d’urgence.
  • Les stratégies de prise en charge dépendront de la gravité de l’hémorragie – Outil : Algorithme de prise en charge des hémorragies aiguës de Thrombose Canada.

Traitement :

Inversion des effets des anticoagulants oraux directs (AOD) en situation d’urgence
Prise en charge initiale

  • Interrompre l’anticoagulothérapie.
  • Procéder aux manœuvres de réanimation dans un environnement doté des appareils de surveillance nécessaires.
  • Appliquer des mesures hémostatiques localisées et, au besoin, diriger la patiente vers le service approprié pour une intervention chirurgicale ou autre.
  • Vérifier la concentration d’hémoglobine et la numération plaquettaire afin de déterminer l’importance de la perte de sang et le type de transfusion à effectuer (transfusion de globules rouges en présence d’une anémie symptomatique; transfusion de plaquettes en présence de thrombopénie ou chez les patients prenant des agents antiplaquettaires).
  • Calculer la clairance de la créatinine (ClCr) et faire une estimation de la demi-vie de l’AOD.
  • Vérifier si une méthode de mesure de l’activité anti-Xa étalonnée pour les AOD est accessible.
  • Si aucune méthode n’est accessible, se baser sur le schéma posologique, le moment de la dernière prise et la ClCr pour évaluer la présence du médicament.
  • Si la patiente prend du rivaroxaban, de l’apixaban ou de l’édoxaban :
    • envisager un traitement prohémostatique (absence de données cliniques probantes);
    • concentré de facteurs du complexe prothrombique (CFCP) (50 U/kg, maximum 3000 U) :
      • OCTAPLEX® par voie i.v. à raison de 1 mL/min, puis d’au maximum 2-3 mL/min (180 mL/h);
      • BERIPLEX® par voie i.v. à raison de 1 mL/min, puis d’au maximum 8 mL/min (480 mL/h);
      • traitement d’appoint : acide tranexamique par voie i.v. en bolus de 1 g, puis perfusion de 1 g sur une période de 8 h.
  • Si la patiente prend du dabigatran :
    • administrer 5 g d’idarucizumab par voie i.v.;
    • envisager une hémodialyse comme intervention d’appoint en cas de surdose massive.

Prochaines étapes de la prise en charge

  • Procéder immédiatement à une intervention chirurgicale ou à une autre intervention effractive.
  • Une fois l’événement passé, reprendre l’anticoagulothérapie de la façon appropriée, en tenant compte des risques de thrombose ou d’hémorragie que présente la patiente.
    • Il est également recommandé de déterminer la probabilité que l’AOD soit encore présent dans le sang et de prévoir la vitesse d’élimination en se fondant sur le moment d’administration de la dernière dose, la demi-vie et la ClCr.
    • Voici les demi-vies estimatives des trois AOD :
      • dabigatran : de 7 à 17 h en cas de ClCr ≥ 50 mL/min, de 17 à 20 h en cas de ClCr de 30 à 49 mL/min;
      • rivaroxaban : de 7 à 11 h en cas de ClCr ≥ 50 mL/min ou de ClCr de 30 à 49 mL/min;
      • apixaban : de 8 à 12 h en cas de ClCr ≥ 50 mL/min ou de ClCr de 30 à 49 mL/min.

Références

  1. Agnelli G, Buller HR, Cohen A, et al. Oral apixaban for the treatment of acute venous thromboembolism (AMPLIFY). N Engl J Med. 2013;369(9):799-808. doi:10.1056/NEJMoa1302507.
  2. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD, et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2010;363(26):2499-2510. doi:10.1056/NEJMoa1007903.
  3. EINSTEIN–PE Investigators, Büller HR, Prins MH, et al. Oral rivaroxaban for the treatment of symptomatic pulmonary embolism. N Engl J Med. 2012;366(14):1287-1297. doi:10.1056/NEJMoa1113572.
  4. Hokusai-VTE Investigators, Büller HR, Décousus H, et al. Edoxaban versus warfarin for the treatment of symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med. 2013;369(15):1406-1415. doi:10.1056/NEJMoa1306638.
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  7. Righini M, Galanaud J-P, Guenneguez H, et al. Anticoagulant therapy for symptomatic calf deep vein thrombosis (CACTUS): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. The Lancet Haematology. 2016;3(12):e556-e562. doi:10.1016/S2352-3026(16)30131-4.
  8. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism (RE-COVER). N Engl J Med. 2009;361(24):2342-2352. doi:10.1056/NEJMoa0906598.
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  10. Van Es J, Eerenberg ES, Kamphuisen PW, Büller HR. How to prevent, treat, and overcome current clinical challenges of VTE. J Thromb Haemost. 2011;9:265-274. doi:10.1111/j.1538-7836.2011.04334.x.
  11. Pollack CV, Reilly PA, Eikelboom J, et al. Idarucizumab for Dabigatran Reversal. N Engl J Med. 2015;373(6):511-520. doi:10.1056/NEJMoa1502000
  12. Di Franco A, Gaudino M, Girardi LN. Considerations about the Aspirin and Tranexamic Acid for Coronary Artery Surgery (ATACAS) trial. J Thorac Dis. 2016;8(7):E599. doi:10.21037/jtd.2016.05.43.
  13. Mahmood A, Roberts I, Shakur H. A nested mechanistic sub-study into the effect of tranexamic acid versus placebo on intracranial haemorrhage and cerebral ischaemia in isolated traumatic brain injury: study protocol for a randomised controlled trial (CRASH-3 Trial Intracranial Bleeding Mechanistic Sub-Study [CRASH-3 IBMS]). Trials. 2017;18. doi:10.1186/s13063-017-2073-6.
  14. Pfizer Canada inc./BMS Canada. Monographie d’Eliquis (apixaban), 16 juin 2016.
  15. Bayer inc. Monographie de Xarelto (rivaroxaban), 1er septembre 2016.
  16. Boehringer Ingelheim Canada Ltée. Monographie de Pradaxa (dagbatran), 11 août 2016.
  17. Servier Canada inc. Monographie de Lixiana (édoxaban), 12 janvier 2017.

  • Homme de 66 ans souffrant de sensation de tête légère, d’étourdissements et de faiblesse sans essoufflement ni douleur à la poitrine à son arrivée à l’urgence
  • Les services d’urgence signalent que le patient était hypotendu, sans fluctuations, sur place et en route vers l’hôpital
  • Instauration d’un anticoagulant oral direct (AOD) dans la prévention des AVCen présence de fibrillation auriculaire, il y a plus d’un an, souffrant actuellement d’hypotension, de sensation de tête légère et de tachycardie, de méléna depuis 7 jours et présentant une hémorragie rectale (sang rouge vif) depuis les 4 dernières heures
  • Antécédents médicaux :
    • Hypercholestérolémie
    • RGO
    • Fibrillation auriculaire
  • Médicaments actuels :
    • Pantoprazole
    • Simvastatine
    • Médicament pour << éclaircir le sang >>
Examen

  • Examen physique :
    • TA : 99/50; fréquence cardiaque : 120-130, irrégulière; fréquence respiratoire : 24; saturation en O2 : 95 % en air ambiant; température : 37,1 °C; glucomètre : 7,1
    • Le patient a le teint légèrement pâle, est alerte et orienté x 3
    • L’examen ne révèle rien d’autre de particulier, hémoculture positive
  • Prise en charge initiale
    • Porte grande ouverte pour le rétablissement du bilan hydrique par l’administration de cristalloïdes par voie i. v.
    • Administration de pantoprazole par bolus et perfusion i. v.
    • Transfusion pour maintenir un taux d’hémoglobine > 70 g/L pendant l’hémorragie évolutive
  • Données additionnelles s’ajoutant au cours de la prise en charge
    • Taux d’hémoglobine : 63
  • Après l’administration de 2 L n/s par bolus : TA : 100/55; fréquence cardiaque : 110

Interventions

Discussion :

Lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie sur la fibrillation auriculaire (2016) – Moment auquel il faut interrompre le traitement antithrombotique1

  • Pour le patient atteint de FA ou de flutter auriculaire en traitement antithrombotique
    • Avant d’interrompre le traitement pour effectuer une intervention invasive, il faut soupeser le risque d’événement thromboembolique (indiqué par un scoreCHADS2 élevé, la présence d’une prothèse valvulaire mécanique ou de rhumatisme cardiaque) et le risque d’hémorragie (indiqué par un score HASBLED élevé et des interventions associées à un risque accru d’hémorragie)
    • Il n’est pas nécessaire d’interrompre le traitement en prévision de la plupart des interventions associées à un très faible risque d’hémorragie et d’un bon nombre d’interventions liées à un faible risque d’hémorragie, y compris la mise en place d’un dispositif cardiaque (stimulateur cardiaque ou défibrillateur cardiaque implantable)
    • Il est nécessaire d’interrompre le traitement en prévision de la plupart des interventions qui sont associées à un risque modéré ou élevé d’hémorragie grave (p. ex., neurochirurgie, pneumectomie, biopsie rénale, etc.)
    • Outil : Bleed Acute Management Algorithm de Thrombose Canada

Traitement :

  • Hémorragie grave/menaçante pour la vie (par ex., hémorragie intracrânienne, sièges critiques, atteinte hémodynamique, baisse du taux d’Hb ≥ 20 g/L ou transfusion d’au moins 2 unités de globules rouges) (cliquer ici pour la prise en charge des hémorragies mineures ou modérées – voir ci-dessous)
    • Rétablissement du bilan hydrique et abandon de la warfarine
    • Mesures locales et orientation vers un spécialiste pour le traitement définitif
    • Neutraliser la warfarine (en cas d’anticoagulothérapie orale) si le RIN est > 1,5 : 10 mg de vitamine K par voie i. v. et de CFCP en fonction du RIN et du poids (kg)*
    • Neutraliser les AOD selon les indications : 5 g d’idarucizumab par voie i.v. si le dabigatran est utilisé; pour tout autre AOD, il n’existe pour l’instant aucune donnée factuelle sur la neutralisation. Il est recommandé d’administrer un CFCP et de l’acide tranexamique
    • Transfuser pour maintenir le taux d’Hb à plus de 70 g/L et la numération plaquettaire à plus de 50 à 100 x 10 9/L
    • RIN : rapport international normalisé; CFCP : concentré de facteurs du complexe prothrombique; i.v. : intraveineux; Hb : hémoglobine
    • * Le dosage du CFCP n’est pas fondé sur le poids au Canada

  • Hémorragies mineures (p. ex., épistaxis antérieure, hémorragie hémorroïdaire, hémorragie sous-conjonctivale mineure)2
    • Poursuivre l’anticoagulothérapie
    • Confirmer que le patient reçoit le bon médicament et la bonne dose en fonction de l’indication, de l’âge, du poids, de la ClCr
    • Envisager d’évaluer le taux d’Hb, la numération plaquettaire et la fonction rénale pour vérifier s’ils sont stables
  • Hémorragie modérée (p. ex., hémorragie gastro-intestinale en état hémodynamique stable, épistaxis grave, hématurie)
    • Arrêter les AOD
    • Déterminer la cause de l’hémorragie
    • Mesures hémostatiques localisées (p. ex., compression, tamponnement), s’il y a lieu
    • Obtenir un hémogramme, le temps de prothrombine (TP) ou le rapport international normalisé (RIN), le temps de thrombine (TT) et le taux de créatinine
    • Déterminer la probabilité que le médicament soit encore présent dans le sang et prévoir la vitesse d’élimination
    • Déterminer, dans la mesure du possible, la concentration plasmatique de l’AOD au moyen d’une méthode de dosage validée
    • Administrer des transfusions conformément aux stratégies de soutien usuelles
    • Consultation (s’il y a lieu)

Référence :

  1. Macle L, Cairns J, Leblanc K, et al. 2016 Focused Update of the Canadian Cardiovascular Society Guidelines for the Management of Atrial Fibrillation. Canadian Journal of Cardiology. 2016;32(10):1170-1185. doi:10.1016/j.cjca.2016.07.591.
  2. Thrombosis Canada – Thrombose Canada | Dedicated To Furthering Education & Research in Thrombotic Disease.
  3. Pollack CV, Reilly PA, Eikelboom J, et al. Idarucizumab for Dabigatran Reversal. N Engl J Med. 2015;373(6):511-520. doi:10.1056/NEJMoa1502000
  4. Di Franco A, Gaudino M, Girardi LN. Considerations about the Aspirin and Tranexamic Acid for Coronary Artery Surgery (ATACAS) trial. J Thorac Dis. 2016;8(7):E599. doi:10.21037/jtd.2016.05.43.
  5. Mahmood A, Roberts I, Shakur H. A nested mechanistic sub-study into the effect of tranexamic acid versus placebo on intracranial haemorrhage and cerebral ischaemia in isolated traumatic brain injury: study protocol for a randomised controlled trial (CRASH-3 Trial Intracranial Bleeding Mechanistic Sub-Study [CRASH-3 IBMS]). Trials. 2017;18. doi:10.1186/s13063-017-2073-6.
  6. Pfizer Canada inc./BMS Canada, Monographie d’Eliquis (apixaban), 16 juin 2016.
  7. Bayer Inc., Monographie de Xarelto (rivaroxaban), 1er septembre 2016.
  8. Boehringer Ingelheim Canada Ltée, Monographie de Pradaxa (dabigatran), 11 août 2016.
  9. Servier Canada Inc., Monographie de Lixiana (édoxaban), 12 janvier 2017.

Désistement

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